Accueil A la une La Banque Franco-Tunisienne serait sur la voie d’une liquidation judiciaire : Les traces de corruption risquent de s’effacer

La Banque Franco-Tunisienne serait sur la voie d’une liquidation judiciaire : Les traces de corruption risquent de s’effacer

Selon certaines sources syndicales et médiatiques, si l’option de liquidation judiciaire peut éventuellement améliorer la situation financière de cette banque, elle ne sera pas sans conséquences sur l’Etat tunisien qui contribuera ainsi à l’effacement de toute trace de corruption et à sauver, d’une manière ou d’une autre, les hommes d’affaires corrompus qui ont bénéficié de crédits sans droit auprès de la BFT.

Connue comme étant le plus lourd dossier de corruption dans l’histoire du pays, l’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT) refait surface. Le siège central de cet établissement financier connaît, en effet, un état d’effervescence en raison de l’absence de visibilité. D’ailleurs, ses agents et cadres observeront des mouvements protestataires.

Et pour cause, un manque de visibilité et un destin inconnu, comme l’explique Hamouda Abouda, secrétaire-général adjoint de ladite banque. Ses agents et cadres ont décidé, dans une première étape, de porter le brassard rouge face à ce qu’ils appellent la nonchalance des autorités et l’épuisement de toutes les tentatives de résoudre cette affaire. «Nous sommes dans une impasse, nous avons perdu tout contact avec le gouvernement alors que la situation financière de la banque ne cesse de se dégrader et nous n’avons aucune vision sur notre avenir», s’est-il désolé, lui qui rappelle que la banque connaît, depuis plusieurs années, une crise financière sans précédent.

A vrai dire, l’affaire n’est pas au point mort. Dernier rebondissement de taille, la Banque serait au cœur d’une liquidation judiciaire. En tout cas, c’est le site d’investigation Africain Intelligence qui annonce cette information. «Officiellement, la décision vient acter l’impossibilité de relancer les activités de la banque et de recouvrer ses créances en difficulté. En creux, il s’agit aussi d’escamoter l’objet du litige avec Abci et de mettre le Cirdi devant le fait accompli», indique ce site.

La BFT est au cœur d’un interminable litige avec son ex-propriétaire Abci Investments, affaire qui vient de retourner devant le tribunal arbitral le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) après l’échec d’une tentative de médiation. Alors que Hamouda Abouda dit ignorer toute information de ce genre, nous n’avons pas pu joindre la Fédération générale des banques relevant de la Centrale syndicale pour revenir sur cette information qui marquera, en effet, un tournant dans cette affaire.

Au fait, selon certaines sources syndicales, si cette opération peut éventuellement améliorer la situation financière de cette banque, elle ne sera pas sans conséquences sur l’Etat tunisien qui contribuera ainsi à l’effacement de toute trace de corruption et à sauver, d’une manière ou d’une autre, les hommes d’affaires corrompus qui ont bénéficié de crédits sans droit auprès de la BFT.

En tout cas, jusqu’à présent, ni la présidence de la République, ni celle du gouvernement n’ont confirmé cette information. De même, la Banque centrale refuse toujours de s’exprimer sur cette affaire qui relève pourtant de ses prérogatives, étant donné le fait qu’elle fait partie du système bancaire tunisien.

Un risque pour l’Etat ?

Au fait, une propable liquidation de la banque risque d’acter définitivement l’impossibilité de recouvrer ses quelque trois milliards de dinars de créances en difficulté, dont 700 millions de dinars de prêts accordés sans garantie à des hommes d’affaires proches du régime de Ben Ali.

Cette procédure risque aussi de compliquer les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), qui viennent de reprendre et qui doivent permettre à la Tunisie d’obtenir une nouvelle ligne de crédit de 3,5 milliards d’euros. Pourquoi aurait-on donc décidé d’acter cette liquidation ? Si cette information se confirme, d’ailleurs elle est attendue pour le 1er mars prochain, l’intention politique est de clore définitivement ce dossier avec les moindres dégâts. Or, pour certains observateurs de la scène nationale, c’est le contribuable qui devrait payer la lourde facture de ce dossier de corruption, alors que, selon les estimations des experts, la Tunisie sera condamnée à payer un dédommagement d’un milliard de dollars.

Retour sur les faits 

Si l’affaire de cette banque est très connue, un aperçu historique permet tout de même de mieux comprendre ce scandale. L’affaire BFT concerne un litige qui dure depuis 36 ans, opposant l’Etat tunisien au groupe d’investissement Arab business consortium international (Abci). Pour faire court, il s’agit d’une succession d’actes de corruption, d’escroquerie et de mauvaise gestion qui remonte à l’année 1981, avec la privatisation de cette banque confisquée pendant les années soixante à son propriétaire français, évoluant depuis dans le sillage de la Société tunisienne de banque (STB). Et c’est Abci Investment Limited, détenue à moitié par l’homme d’affaires tunisien Abdel Majid Bouden, qui s’est présentée pour cette opportunité afin d’acquérir la banque. Mais cette opération a été bloquée par l’Etat et au lieu d’être domiciliés à la BFT, les fonds destinés à acquérir la majorité des parts de la BFT ont été placés sur le marché monétaire et les intérêts versés à la STB.

Parvenu à la présidence du conseil d’administration de la BFT, Bouden a entamé un processus d’accusation contre la STB exigeant la restitution de ces fonds propres à la BFT. Il saisit, d’ailleurs, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (Ccip). Depuis, un interminable litige juridique oppose principalement cet homme d’affaires à l’Etat tunisien jusqu’à ce que ce dernier soit condamné à une amende de plus d’un milliard de dollars au vu de la complexité de l’affaire et des frais de juridiction.

Quelques années plus tard, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (Ccip) s’est dite incompétente, et entre temps, après l’ascension de l’ancien président Ben Ali, la BFT a été placée sous administration judiciaire et Bouden, condamné à la prison, a décidé de quitter la Tunisie, contrarié de laisser tomber son droit de propriété.

Face à ce qu’il appelle «une injustice avec appui politique», Bouden a décidé de saisir le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements. Après plusieurs années de juridiction, le Cirdi condamne, en 2017, l’Etat tunisien dans cette affaire, statuant qu’il devra payer des dommages et intérêts au groupe bancaire londonien Abci, le tout estimé à plus d’un milliard de dollars, une somme colossale pour la Tunisie.

(D.R : illustration Jeune Afrique)
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